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  • “Ma mère, cette inconnue” (Philippe Labro)

    “Netka, il y a du slave dans ce nom qui sonne clair. Elle a cinquante pour cent de sang polonais dans ses veines. Il me faudra beaucoup de temps pour identifier la Pologne, chercher la trace du père inconnu, éclaircir les mystères, imaginer l’enfant-valise, la petite fille abandonnée. Elle est, elle était ma mère”, Philippe Labro.

  • Chevreuse ( Patrick Modiano)

    “Pour la première fois depuis quinze ans, le nom de cette femme lui occupait l’esprit, et ce nom entraînerait à sa suite, certainement, le souvenir d’autres personnes qu’il avait vues autour d’elle, dans la maison de la rue du Docteur-Kurzenne. Jusque-là, sa mémoire concernant ces personnes avait traversé une longue période d’hibernation, mais voilà, c’était fini, les fantômes ne craignaient pas de réapparaître au grand jour. Qui sait ? Dans les années suivantes, ils se rappelleraient encore à son bon souvenir, à la manière des maîtres chanteurs. Et, ne pouvant revivre le passé pour le corriger, le meilleur moyen de les rendre définitivement inoffensifs et de les tenir à distance, ce serait de les métamorphoser en personnages de roman.”

  • Et tu n’es pas revenu (Marceline Loridan- Ivens)

    «  J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur.
    Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille.  »

    Le 29 février 1944, Marceline Loridan-Ivens a quinze ans lorsqu’elle est arrêtée avec son père lors d’une rafle. Déportée à Birkenau, elle subit l’horreur des camps et parvient à survivre. Son père, lui, ne reviendra jamais d’Auschwitz. Soixante-dix ans plus tard, elle lui adresse une lettre, rédigée avec la journaliste et écrivain Judith Perrignon, où elle raconte sa captivité, son retour, sa vie d’après.

  • Idiss (Robert Badinter)

    J’ai écrit ce livre en hommage à ma grand-mère maternelle, Idiss.
    Il ne prétend être ni une biographie, ni une étude de la condition des
    immigrés juifs de l’Empire russe venus à Paris avant 1914.
    Il est simplement le récit d’une destinée singulière à laquelle jai
    souvent rêvé.
    Puisse-t-il être aussi, au-delà du temps écoulé, un témoignage
    d’amour de son petit-fils.

  • L’axe du loup (Sylvain Tesson)

    Sylvain Tesson a refait le long voyage de la Sibérie au golfe du Bengale qu’effectuaient naguère les évadés du goulag. Pour rendre hommage à ceux dont la soif de liberté a triomphé des obstacles les plus grands, seul, il a franchi les taïgas, la steppe mongole, le désert de Gobi, les Hauts Plateaux tibétains, la chaîne himalayenne, la forêt humide jusqu’à la montagne de Darjeeling. Sur six mille kilomètres, il a connu le froid, la faim, la solitude extrême. La splendeur de la haute Asie l’a récompensé, comme les mots d’une ancienne déportée : ” On a le droit de se souvenir. “

  • La communauté (Raphaëlle Bacqué)

    Au début des années 60, Trappes n’est encore qu’un vaste champ. Vingt ans plus tard, James Dabbouze et le rappeur La Fouine racontent ses tours et ses barres, Nicolas Anelka joue au foot sous les yeux d’Omar Sy. Puis d’anciens islamistes du GIA algérien sont arrivés ; des prédicateurs tablighs ont convaincu les dealers de quitter les caves pour prier ; deux Frères musulmans ont négocié la grande mosquée du coin. Aujourd’hui, Trappes détient le tragique record européen des départs au djihad. La ville s’est repliée sur elle-même. Une communauté, avec ses codes et ses interdits.

  • La mer morte ( Blandine de Caunes)

    Une mère, âgée mais indépendante, se trompe de jour, de lieu de rendez-vous avec ses filles, achète des objets superflus et coûteux, oublie dans le coffre de sa voiture les fruits de mer bretons, et se lève la nuit, croyant partir pour une destination inconnue.

    Cela pourrait être drôle, si ce n’était une maladie mentale due à l’âge, et surtout si cette femme si confuse n’était pas la romancière Benoîte Groult, la mère de l’auteure de ce livre d’une force rare. Benoîte Groult, luttant, jouant avec sa propre fin, mais refusant avec rage de céder à la fatalité et à la vieillesse, elle qui a été une militante de l’association « Pour le droit de mourir dans la dignité  ». Voici la femme intime, plus que la femme publique, ici telle qu’on ne la connaît pas, et qui écrivait : « Dans la vie, deux mondes se côtoient : celui des gens qui vont vivre et celui des gens qui vont mourir. Ils se croisent sans se voir. »

    Benoîte s’éteint en juin 2016 à Hyères, à 96 ans. Écrivaine comblée, mère et grand-mère heureuse, femme de combats remportés. Mais ce que ce livre raconte, ce n’est pas juste le deuil hélas ! prévisible d’une mère admirée et aimée, mais un double deuil : voici le terrible sens du titre, La mère morte. « Maman, mon dernier rempart contre la mort. Bientôt, ce sera moi le rempart pour ma fille ».

    Le 1er avril 2016, la fille de Blandine de Caunes, Violette, 36 ans, meurt dans un banal accident de voiture, laissant orpheline sa fille Zélie. L’ordre du monde est renversé : Benoîte s’accroche à la vie, Blandine sombre, Violette n’est plus.

  • Le consentement ( Vanessa Springora)

    Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin «  impérieux  » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
    «  Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence  : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre  », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.

    Plus de trente ans après les faits, Vanessa Springora livre ce texte fulgurant, d’une sidérante lucidité, écrit dans une langue remarquable. Elle y dépeint un processus de manipulation psychique implacable et l’ambiguïté effrayante dans laquelle est placée la victime consentante, amoureuse. Mais au-delà de son histoire individuelle, elle questionne aussi les dérives d’une époque, et la complaisance d’un milieu aveuglé par le talent et la célébrité.

  • Le guerrier de porcelaine (Mathias Malzieu)

    En juin 1944, le père de Mathias, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. On décide de l’envoyer, caché dans une charrette à foin, par-delà la ligne de démarcation, chez sa grand-mère qui a une ferme en Lorraine. Ce sont ces derniers mois de guerre, vus à hauteur d’enfant, que fait revivre Mathias Malzieu, mêlant sa voix à celle de son père. Mainou va rencontrer cette famille qu’il ne connaît pas encore, découvrir avec l’oncle Emile le pouvoir de l’imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée.

    Il aura fallu plus de six ans à Mathias Malzieu pour écrire ce Guerrier de porcelaine, son roman le plus intime, où, alliant humour et poésie, il retrace l’enfance de son père et s’interroge sur les liens puissants de la filiation.

  • Le parfum des fleurs la nuit (Leïla Slimani)

    Comme un écrivain qui pense que « toute audace véritable vient de l’intérieur », Leïla Slimani n’aime pas sortir de chez elle, et préfère la solitude à la distraction. Pourquoi alors accepter cette proposition d’une nuit blanche à la pointe de la Douane, à Venise, dans les collections d’art de la Fondation Pinault, qui ne lui parlent guère ?

    Autour de cette « impossibilité » d’un livre, avec un art subtil de digresser dans la nuit vénitienne, Leila Slimani nous parle d’elle, de l’enfermement, du mouvement, du voyage, de l’intimité, de l’identité, de l’entre-deux, entre Orient et Occident, où elle navigue et chaloupe, comme Venise à la pointe de la Douane, comme la cité sur pilotis vouée à la destruction et à la beauté, s’enrichissant et empruntant, silencieuse et raconteuse à la fois.

    C’est une confession discrète, où l’auteure parle de son père jadis emprisonné, mais c’est une confession pudique, qui n’appuie jamais, légère, grave, toujours à sa juste place : « Écrire, c’est jouer avec le silence, c’est dire, de manière détournée, des secrets indicibles dans la vie réelle ».

    C’est aussi un livre, intense, éclairé de l’intérieur, sur la disparition du beau, et donc sur l’urgence d’en jouir, la splendeur de l’éphémère. Leila Slimani cite Duras : « Écrire, c’est ça aussi, sans doute, c’est effacer. Remplacer. » Au petit matin, l’auteure, réveillée et consciente, sort de l’édifice comme d’un rêve, et il ne reste plus rien de cette nuit que le parfum des fleurs. Et un livre.

  • Marie Curie prend un amant (Irène frain)

    Le 4 novembre 1911, un journal à grand tirage annonce une nouvelle extravagante : Marie Curie a un amant. La presse et l’opinion s’enflamment. Procès, duels, publication de lettres volées, l’ouragan médiatique est énorme. Marie manque d’y laisser la vie. C’est vrai, elle a une liaison. Veuve depuis cinq ans de Pierre Curie – le…

  • Méchantes blessures (Abd Al Malik)

    Kamil, rappeur français esthète, noir et musulman, parce qu’il accompagne un ami qui n’en est pas vraiment un, meurt à Washington dans le parking d’une boîte de strip-tease. Alors qu’il est réduit au silence, c’est le moment qu’il choisit pour tout dire : la France, les banlieues, les migrants, l’islamisme, les femmes, le climat, les noirs, la politique et les médias.
    Kamil parle outre-tombe de son lien charnel et spirituel à la France et à l’Europe d’aujourd’hui, dont il perçoit la profondeur des fractures et la douleur de tous ceux qui y sombrent. Comme si, dans son nouvel état, il avait soudain une vision clair de l’universel et le souvenir de la promesse humaine initiale de bienveillance, de bonté et d’empathie.

  • Une croix sur l’enfance (Jean-Pierre Sautreau)

    Je viens d’avoir 11 ans cet avril 1960, et j’apprends que je vais partir au Séminaire de Chavagnes-en-Paillers rejoindre des dizaines d’autres enfants. Comme eux, on m’a découvert la vocation sacerdotale. J’ai soi-disant reçu un mystérieux appel à être prêtre. En réalité, cette élection ne résulte ni d’un événement extraordinaire, ni d’un choix personnel, mais de la conjuration d’adultes : enseignant, abbés de la paroisse, recruteur spécial autour du bon élève d’une famille catholique modèle plus ou moins subjuguée. Je deviens ainsi l’agneau sacrifié d’une Église en mal de troupes pour assurer son développement. Mon enfance va m’être arrachée, ma singularité piétinée. Je vais connaître l’humiliation et la souillure, la solitude et la mélancolie avant d’être chassé six ans plus tard du troupeau et revenir vers des parents déçus et incompréhensifs. Bousculé dans ma construction d’être, privé notamment d’adolescence, je resterai marqué à vie par ces années, blessé en particulier par la distension du lien avec une mère qui m’a alors laissé partir.